« Dis Jae, tu crois que je m'en sortirai un jour ?
Bien sur Anna, tu t'en sortiras. »

Côte à côte dans son lit d'hôpital, je serrais Anna dans mes bras pour la réconforter. Bizarrement, je me sentais encore plus mal qu'elle. J'avais envie de pleurer, mais je me retenais tant bien que mal. Ah ça non, je ne devais pas craquer. Pas devant ma petite amie. Atteinte d'une leucémie, les médecins étaient formels: ses jours étaient comptés. Nos corps l'un contre l'autre, je sentais sa respiration sur mon visage. Celle ci se faisait de plus en plus faible, de plus en plus imperceptible. Mon cœur se serrait, les larmes me montaient lentement: elle me quittait. Pourquoi maintenant ? Pourquoi aujourd'hui ? Je la serrais d'avantage, comme pour la garder près de moi à tout jamais. Non, je ne voulais pas qu'elle me laisse seul. Moi qui n'était rien sans elle, moi qui la voulait pour toujours.. Putain de maladie, putain de vie. Je l'entendais alors me chuchoter:

« On ne se quittera jamais, hein. Jae, promets le moi.
Oui, je te le promet Anna. »

Doucement, tout doucement.. son souffle s'arrêta et la voilà partie pour de bon, rejoignant les anges. Mon ange. Mes yeux remplis de tristesse, de douleur.. je m'effondrais, embrassant le front de ma douce, et en répétant sans cesse que je l'aimais, que je ne la quitterai jamais. Sa main était encore chaude et pleine de vie. Pourquoi donc ? Je restais là un certain moment, avant l'arrivée d'un médecin, me demandant gentiment de quitter la chambre. Non, je n'en avais pas envie. Ce n'était vraiment pas le moment. Mais le type à blouse blanche insista, m'obligeant donc à laisser Anna seule sur le lit. Je ne pouvais plus m'arrêter de pleurer. À peine levé, je ne sentais déjà plus mes jambes. C'était comme si le sol allait s'écrouler. À vrai dire, je m'en fichais bien. Anna était morte et mon âme par la même occasion. Putain de maladie, putain de vie.

17 ans.. je n'avais que 17 ans et Anna aussi. Tous les deux, on se connaissait depuis tout gamin. Nos parents étaient amis de longue date puis on s'était suivis tout au long de notre scolarité. On avait grandit ensemble, on avait tout partagé.. car avant d'être ma copine, Anna était avant tout ma meilleure amie, ma confidente. C'était la première fille à m'accorder tant d'intérêt. Je me rappelle encore de nos premiers flirts, de notre premier baiser et bien entendu, de notre première fois. J'étais tellement bien avec cette fille, ça en est dingue. C'est fou ce que l'être humain peut aimer une personne. L'amour. Raah ces salles idiots qui disent que c'est inutile, que ça pourrit la vie.. Mais franchement, ce qu'ils peuvent raconter des conneries ! Ce sont eux qui sont inutiles et qui ne comprennent rien à la vie. La raison même de l'existence de l'Homme est qu'il doit découvrir l'Amour. Certes, certaines personnes peuvent passer à côté de leur histoire, mais si l'on cherche bien, on peut trouver son double. Personnellement, mon double est parti et je ne pense pas le retrouver un jour.. Bien que j'en ai terriblement envie, je vous l'accorde.

Depuis la mort d'Anna, j'ai complètement changé. Je veux dire, psychologiquement surtout. Je me suis mis à faire n'importe quoi pour oublier, en passant par la drogue et bien d'autres choses encore. Oui j'ai déjà vendu mon corps à des jeunes femmes riches. Certains font ça pour de l'argent, mais moi je fais surtout ça pour me changer les idées. Je me fiche de tout. Les seules choses pour lesquelles je me défonce, ce sont mes études et ma famille. Mes parents ne sont ni riches ni pauvres. Ils sont « dans la normale » on va dire. Mais ma mère est parfois tombée en dépression, voyant mon état peu joyeux. Alors voilà; maintenant je fais comme si tout allait bien devant les autres mais par derrière, je continue mes conneries. En aucun cas je veux causer du soucis à mes parents. Plus jamais. Je sais que de cette manière, je vais finir par gâcher ma vie ou bien devenir toxico mais.. bordel, c'est tellement compliqué à expliquer. Dire que je me sens bien étant shooté serait un mensonge. De même pour mes ébats sexuels. Mais je pense à autre chose pendant un laps de temps et ça, c'est ce que je recherche. Cependant, j'ai rencontré quelqu'un. C'est louche parce que quand je la vois, j'ai à nouveau ces petits picotements dans le ventre, cette joie insensée.. peut-être la fin de toute cette merde ? Je n'en sais rien. Je suis tellement devenu timide avec les femmes.. enfin, avec celles pour qui je ressens vraiment quelque chose. À côté je suis charismatique, charmant, tactile.. C'est ce qu'elles me disent, mes « clientes ». Après, cela n'empêche que ma vie d'étudiant est tout à fait normale. J'ai des relations fréquentables, je rigole avec mes potes... Une double personnalité ? Appelez ça comme vous voulez. Mais pour en revenir à cette fameuse fille, je n'ai pas le cœur à lui avouer de but en blanc ce que je ressens. Puis je vais vous dire, je ne connais même pas mes sentiments. Un jour, je me dis que je l'aime puis le lendemain, je me dis que c'est simplement une attirance physique ou psychique. Mais toujours est-il que si il doit se passer quelque chose, je garderai toujours en moi Anna. Ça, personne ne pourra me l'enlever, pas même la mort. La preuve en est que depuis deux ans, j'essaye de survivre malgré ce souvenir difficile.